Une découverte majeure sur Vénus : de l’oxygène atomique détecté pour la première fois dans sa face éclairée
Un monde infernal difficile à sonder
Selon les modèles théoriques, les scientifiques suspectent depuis longtemps la présence d’oxygène atomique dans l’atmosphère vénusienne. Si des traces avaient déjà été détectées dans les nuits de la planète Vénus, une équipe de chercheurs a annoncé avoir détecté pour la première fois ce composé dans sa face éclairée. Cette importante découverte améliore notre compréhension des dynamiques et des circulations atmosphériques de Vénus.
Deuxième planète de notre Système solaire en distance au Soleil, Vénus fait l’objet de nombreuses études : malgré des ressemblances notables avec la Terre, notamment au niveau de leur taille et de leur composition, les deux planètes ont connu des histoires bien distinctes.
Quand la Terre a évolué vers un environnement propice au développement de la vie, avec des températures clémentes et un climat relativement stable, Vénus, parfois qualifiée de “sœur jumelle de la Terre”, s’est quant à elle transformée en une planète très inhospitalière, avec des températures en surface avoisinant les 462 °C et une atmosphère dominée par le dioxyde de carbone si dense que la pression au sol y est 92 fois supérieure que sur Terre. Les scientifiques cherchent ainsi à mieux comprendre l’atmosphère complexe de Vénus dans le but d’expliquer les mécanismes qui l’ont menée à évoluer si différemment de la Terre.
Du fait de sa relativement faible distance à la Terre, Vénus a été la première planète à être visitée par une sonde spatiale (la sonde Mariner 2 de la Nasa a survolé Vénus en 1962), et la première planète sur laquelle un atterrisseur s’est posé avec succès (la sonde Venera 7 de l’Union soviétique a touché le sol vénusien en 1970). Sa surface et son atmosphère demeurent pour autant très difficiles à étudier.
Dans son épaisse atmosphère dominée par le dioxyde de carbone — qui lui confère un effet de serre si puissant que sa température en surface est en moyenne plus élevée que sur la planète Mercure, plus proche du Soleil –, siègent d’épais nuages d’acide sulfurique, à des altitudes comprises entre 45 et 70 kilomètres. Ces nuages sont très réfléchissants, c’est-à-dire qu’ils renvoient vers l’espace la majeure partie de la lumière solaire qu’ils reçoivent. L’atmosphère vénusienne est ainsi tellement opaque qu’il est impossible d’apercevoir sa surface dans la lumière visible (par comparaison, la surface de la Terre est facilement observable depuis l’espace en l’absence de nuages).
Très peu d’informations ont ainsi été collectées sur la planète avant l’invention de technologies permettant son observation dans d’autres domaines du spectre électromagnétique — typiquement les domaines radar, infrarouge et ultraviolet — permettant de percer à travers ses épais nuages. Et si l’arrivée de ces technologies a marqué un véritable bond en avant pour l’exploration de cette planète sulfureuse, les scientifiques font encore aujourd’hui de nouvelles découvertes, ajoutant petit à petit de nouvelles briques d’informations contribuant à en améliorer notre compréhension.
Fruit du développement de ces nouvelles techniques, l’Observatoire stratosphérique pour l’astronomie infrarouge (Sofia, acronyme de “Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy”), issu d’une collaboration entre les agences spatiales américaine et allemande, observe l’espace dans le domaine de l’infrarouge depuis un Boeing évoluant dans la stratosphère terrestre, à une altitude suffisamment élevée pour que ses observations ne soient pas gênées par l’atmosphère de notre Planète.
L’oxygène atomique, un marqueur des dynamiques atmosphériques
Une équipe de scientifiques a annoncé avoir détecté pour la première fois de l’oxygène atomique (O) dans la face “jour” (éclairée par le Soleil) de Vénus, grâce aux données récoltées par Sofia. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature Communication.
Sur Terre, l’oxygène atomique diffère de l’oxygène que nous respirons. Nous inhalons des molécules de dioxygène (composées de deux atomes d’oxygène), tandis que l’oxygène atomique correspond à un atome d’oxygène esseulé. C’est un composé hautement réactif qui cherche constamment à se lier à d’autres molécules. Bien que sa présence dans l’atmosphère vénusienne ait été suggérée par divers modèles atmosphériques, l’oxygène atomique n’avait jusqu’à présent été observé que dans la face “nuit” de la planète. La détection d’oxygène atomique dans la face éclairée par le Soleil apporte un nouvel éclairage sur les dynamiques atmosphériques de Vénus.
“L’oxygène atomique dans la face éclairée par le Soleil apporte un nouvel éclairage sur les dynamiques atmosphériques de Vénus.”
Sur Terre, l’oxygène atomique est relativement abondant dans les hautes altitudes de l’atmosphère, où il est formé par l’action du rayonnement solaire sur les molécules atmosphériques. Les photons provenant du Soleil peuvent “casser” les molécules qu’ils rencontrent, créant ainsi deux nouveaux composés. Ce phénomène est appelé photodissociation. Sur Terre, l’oxygène atomique est ainsi formé par la photodissociation du dioxygène.
Selon les chercheurs, un processus similaire semble se produire dans l’atmosphère de Vénus. Sous l’action du rayonnement solaire, les molécules de dioxyde de carbone de son atmosphère sont dissociées pour créer des atomes d’oxygène et des molécules de monoxyde de carbone. L’oxygène atomique semble donc se former dans la face éclairée de Vénus (où il vient d’être détecté pour la première fois), avant de se recombiner à d’autres molécules dans la face nocturne.
Ce qui intrigue le plus les auteurs, ce sont les altitudes auxquelles l’oxygène atomique a été détecté. Selon leurs résultats, la concentration d’oxygène atomique était maximale à une altitude d’environ 100 kilomètres, sur tous les points où il a été observé (sept du côté jour, neuf du côté nuit et un au niveau du terminateur). Cette altitude se situe entre deux courants atmosphériques vénusiens majeurs : le puissant courant super rotatif, où des vents puissants soufflent dans le sens inverse de la rotation de la planète, à une altitude inférieure à 70 kilomètres, et le flux subsolaire-antisolaire, où le vent souffle de la face ensoleillée vers la face nocturne, à une altitude supérieure à 120 kilomètres.
L’oxygène atomique vénusien représente ainsi une source d’information jusqu’ici inexploitée pour comprendre la transition entre ces deux courants atmosphériques majeurs. Les chercheurs espèrent que de futures observations fourniront des données plus détaillées sur l’atmosphère vénusienne, d’autant plus que la compréhension de ses dynamiques est cruciale pour le bon déroulement des futures missions à destination de notre voisine.
1 comment
C’est une avancée scientifique majeure !