les PME de l’industrie face au défi du recyclage des eaux, Gestion-trésorerie

Il faut 400 litres d’eau pour produire 1 kg de sucre, jusqu’à 10.000 litres pour fabriquer un jean. Selon les chiffres du gouvernement, la consommation industrielle représente 8 % des prélèvements totaux, presque autant que l’agriculture (10 %). L’an dernier, en situation de sécheresse, les entreprises ont essuyé des arrêtés préfectoraux. Le syndicat des papetiers Copacel a compté 14 sites sur 80 concernés par des injonctions de réduction portant sur leur consommation, dont trois ont subi des baisses d’activité. Les autres ont pu différer des opérations de nettoyage. Mais la chronique annoncée de pénuries à répétition fait peser des risques sur la production industrielle.

Les secteurs les plus consommateurs – chimie en tête, puis papeterie et agroalimentaire – font déjà la chasse aux fuites et au gaspillage, souvent pour des questions de coûts. Aujourd’hui, pour sécuriser le robinet, ils se posent la question de la réutilisation de leurs eaux usées traitées (« REUT »). « Il faut faire tomber le tabou », prône Philippe Prudhon, directeur technique de France Chimie. En lançant l’alerte sur l’état des nappes, fin février, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a évoqué le nécessaire recyclage de l’eau, toujours au compte-gouttes en France : 0,6 %, contre 14 % en Espagne et 91 % en Israël.

« Fertirrigation »

Dans la papeterie, en dépit de progrès significatifs (baisse de la consommation de 55 % en trente ans), il faut encore « 10 à 25 m3 d’eau par tonne de papier, essentiellement pour mettre les fibres de cellulose en suspension ». « On ne peut pas réduire à l’infini malgré des boucles de régénération des eaux de plus en plus performantes », pointe le délégué général de Copacel, Paul-Antoine Lacour. Près de Besançon (Doubs), le fabricant de carton recyclé Gemdoubs ​jongle avec quatre bassins remplis d’effluents plus ou moins chargés en matière organique, jusqu’à ce que la concentration devienne trop forte pour s’en resservir.

Après trois années d’alerte sécheresse, la PME de 70 salariés s’était résolue, début 2022, à investir « dans des bacs, des pompes et des tuyaux pour sauver des eaux claires qui partaient à l’égout », raconte son directeur, Eric Gravier. Bien lui en a pris : 25 % d’économies d’eau lui ont permis d’échapper aux restrictions. Mais « si on nous demande encore 20 % cette année, on sera obligé de stopper la production », prévient-il. Pour Paul-Antoine Lacour, la solution se trouve dans « les synergies avec d’autres secteurs ». Il évoque la « fertirrigation » : l’utilisation par des agriculteurs de ces eaux chargées en azote et en phosphate, soit « moins de prélèvements dans les rivières et des engrais gratuits », vante le délégué général de Copacel.

Conséquence de la dernière sécheresse : France Chimie met à disposition de son millier d’adhérents un outil d’autodiagnostic commandé à Aquassay, un bureau d’études de Limoges (Haute-Vienne) spécialisé dans « l’efficacité hydrique ». Quand cet expert se penche sur une usine, il commence par poser des compteurs par dizaines pour cartographier l’utilisation de l’eau. « Trop d’industriels ne savent rien d’autre que leur volume global annuel », déplore son directeur, Emmanuel Gilbert. La liste des clients (Nestlé Waters, Danon, TotalEnergies, Arkema, Sanofi, Solvay, Michelin, Saint-Gobain), dessine en creux le chemin qui reste à parcourir auprès des PME.

« La main sur la ressource »

Son tableur Excel pour France Chimie, un premier pas, doit permettre à chaque entreprise de faire le point sur « ses besoins en quantité et surtout en qualité, car certaines tâches ne requièrent pas de l’eau potable », argumente Philippe Prudhon. Des eaux de rinçage, peu sales, peuvent resservir à laver des sols ou des machines. Et pour aller plus loin, on sait recycler en eau propre des rejets beaucoup plus pollués. Véolia « repotabilise » bien les eaux grises à Windhoek, en Namibie.

Cela donne à Marc Prikazsky, président du laboratoire de santé animale Quelque chose, l’espoir de recycler un jour ses eaux usées dans un secteur aux normes drastiques, qui exige de l’eau osmosée – mieux qu’au robinet – pour laver ses salles blanches. Il construit une station d’épuration à 3,5 millions d’euros à Libourne (Gironde) « pour avoir la main sur la ressource, en attendant d’avoir les autorisations » : « C’est un Everest réglementaire qui se jouera au niveau de l’Agence du médicament ». L’ETI bordelaise de 1,3 milliard de chiffre d’affaires propose son usine comme site pilote. En attendant, l’eau assainie pourra servir à l’irrigation ou à d’autres industries moins contraintes.

Boucle fermée

Chez caressant producteur d’actifs d’origine naturelle pour tous les géants de la cosmétique, « on assume de consommer de l’eau, plutôt que des solvants chimiques, pour extraire les molécules végétales ». Mais la PME de Saint-Viance (Corrèze), qui affiche 70 millions de chiffre d’affaires, a entrepris de réduire sa consommation « de 50 % par unité de produit d’ici à 2025 ». Arrivés à 25 %, « nous nous attaquons au traitement et au recyclage de nos effluents », indique son directeur général, Xavier Gaillard. Un pilote industriel vient de livrer ses conclusions. Un investissement de 1,5 million devrait permettre à Silab de recycler la moitié de ses eaux de lessive (20.000 m3) pour la réinjecter dans la fabrication.

Quant à l’industrie agroalimentaire, elle attend un décret – en gestation – autorisant et encadrant la « EUT » dans ce secteur sensible. Danone teste chez Volvic « une boucle fermée qui traite, sécurise et réutilise l’eau issue de la production pour le nettoyage des lignes ». Le groupe a aussi ouvert le chantier chez Blédina à Brive pour réemployer dans un premier temps l’eau dans l’énergétique (vapeur, air comprimé, eau glacée). Le recyclage ne coule pas de source…

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