Le plus ancien dossier instruit en France sur des faits liés au génocide des Tutsis est actuellement en cours devant la cour d’assises de Paris. Sosthène Munyemana, un ancien médecin rwandais résidant en France depuis près de 30 ans, est accusé de génocide et de crimes contre l’humanité. Au cours de la première journée d’audience, la cour s’est intéressée au parcours de l’accusé, à son engagement politique et à ses relations.
Sosthène Munyemana, âgé de 68 ans, s’est présenté à l’audience vêtu d’une chemise blanche à rayures bleues, d’une veste grise et de lunettes. Le président de la cour a rappelé les faits qui lui sont reprochés, notamment sa participation à une réunion d’un comité de crise qui a organisé des rondes et des interpellations de personnes qui ont ensuite été tuées. Il est également accusé d’avoir détenu la clé du bureau de secteur de Tumba, où des civils tutsis étaient enfermés dans des conditions inhumaines avant d’être exécutés.
L’après-midi, la cour s’est penchée sur le parcours de l’accusé, de sa naissance à Musambira en 1955 à sa carrière de gynécologue obstétrique. Après avoir terminé ses études en France, Sosthène Munyemana est retourné au Rwanda à la fin des années 80 et s’est engagé au sein du MDR, un parti d’opposition. Les débats se sont concentrés sur sa proximité avec Jean Kambanda, membre du MDR devenu premier ministre du gouvernement intérimaire à l’origine du génocide. Sosthène Munyemana affirme n’avoir eu que des relations amicales et familiales avec lui, sans parler de politique.
L’accusé soutient qu’il n’avait pas d’ambition politique et qu’il n’a donc pas discuté de politique avec le chef du gouvernement intérimaire. Cependant, cette argumentation n’a pas convaincu le président de la cour ni les parties civiles. Les avocats espèrent obtenir plus de réponses au fil de l’audience, notamment lors de l’audition de l’épouse de l’accusé, qui pourrait éclaircir les relations qu’il entretenait avec le ministre de l’Agriculture, Straton Nsabumukunzi. Ce dernier l’a aidé à fuir le Rwanda en juin 1994.
Ce dossier est le plus ancien instruit en France concernant le génocide des Tutsis, qui a fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994 selon l’ONU. Sosthène Munyemana avait fui son pays en juin 1994 et rejoint la France trois mois plus tard. La première plainte contre lui a été déposée en 1995, entraînant l’ouverture d’une information judiciaire. Bien qu’il ait été visé par un mandat d’arrêt international émis par les autorités rwandaises, sa demande d’asile a été rejetée en 2008. Cependant, la justice française a refusé de l’extrader en 2010 afin qu’il soit jugé dans son pays.
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C’est enfin une étape importante vers la justice pour les victimes du génocide des Tutsis.
Ce procès est une occasion de rendre hommage aux victimes et de faire face aux responsabilités des auteurs du génocide.